Comprendre votre mix média marketing : analyse de la contribution des leviers
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Vous investissez du temps et de l’argent dans des leviers d’acquisition de trafic et souhaitez comprendre l’impact de chaque levier sur votre mix média en allant plus loin que l’attribution au Last Clic ? L’analyse de contribution des leviers est un premier pas vers ce Graal.
Dans cet article, je vous explique comment la mener, les erreurs à éviter et aussi, comment aller plus loin avec des concepts comme le Multi-Touch Attribution.
Les biais de tracking à vérifier et corriger
Avant de commencer à analyser vos touches marketing, je vous recommande de prendre le temps de vérifier que vous n’avez pas de problèmes de tracking qui peuvent générer des biais d’analuse. Voici quelques exemples courants :
Filtrer le trafic interne
Vous avez correctement déclaré vos adresses IP internes comme source de trafic interne, c’est super ! Maintenant, il ne faut pas oublier de supprimer ces ventes pour ne pas déformer les chiffres.
Les domaines référents surestimés
Tous les outils Analytics fonctionnent de la manière suivante :
- Si visite générée par un levier tracké (lien de redirection ou paramètre d’URL), alors la visite est associée à ce levier.
- Si visite générée sans tracking particulier, alors 4 possibilités :
- Un domaine référent est présent et ce domaine est connu comme étant un réseau social. Alors c’est du trafic « Social Organique ».
- Un domaine référent est présent et ce domaine est connu comme étant un moteur de recherche. Alors c’est du trafic « SEO ».
- Un domaine référent est présent mais ce domaine n’est pas connu comme un réseau social ni comme un moteur de recherche. Alors c’est du trafic « Domaines Référents ».
- Aucun domaine référent n’est présent. En l’absence d’information, on le classe donc en « Accès Direct ».
Avec le 3e scénario, on voit bien que le moindre problème de tracking peut facilement générer des visites classées dans les domaines référents et ainsi surestimer ce levier.
Remarque : Il existe en réalité des outils qui coupent le scénario 4 en deux parties. En effet, certains annonceurs souhaitent comprendre l’impact de leurs spots TV sur leur trafic et leurs ventes. Pour cela, ils utilisent des outils capables de savoir quand leurs publicités sont diffusées à la télé et ainsi d’analyser le trafic en temps réel sur leur site. Ainsi, si dans un laps de temps après la diffusion du sport le trafic en provenance de l’accès direct (parfois aussi du SEO et SEA Marque) est augmentation, alors l’incrément est attribué à la TV. C’est en fait un peu plus complexe que cela, mais le principe est basé sur cette idée.
Voici quelques exemples courants de cas où les domaines référents sont surévalués :
- Vos leviers sociaux organiques ne sont pas trackés et remontent dans les domaines référents.
- Certains de vos affiliés ne sont pas trackés et remontent dans les domaines référents.
- Si un moteur n’est pas déclaré dans votre outil ou bien partiellement déclaré (plusieurs URLs pour chaque pays par exemple), alors du trafic SEO peut remonter dans les référents.
- Vous utilisez une ou plusieurs plateformes de paiement qui redirigent l’internaute vers un site externe avant de retourner sur votre page de confirmation d’achat ? Alors il est probable que beaucoup de vos ventes comportent ces domaines référents dans leur historique marketing.
Si vous identifiez l’un de ces scénarios, alors corrigez-le le plus rapidement possible pour que l’attribution de vos prochaines conversions soient correcte. Cela ne corrigera pas l’attribution et l’historique marketing des ventes passées, pour cela vous devrez filtrer manuellement les touches lors de l’analyse de contribution webmarketing.
Améliorer la granularité de votre rapport
Souvent les outils Analytics permettent de regrouper les différents partenaires média dans des leviers. On retrouve par exemple les leviers Affiliation, Display, Emailing ou encore Liens Sponsorisés. Toutefois, ces groupes de partenaires sont assez larges. En effet, le SEA regroupe par exemple plusieurs catégories que l’on peut vouloir analyser séparément :
- SEA Marque Exacte
- SEA Générique
- SEA Marque + Générique
- SEA Shopping (PLA)
Il peut donc être intéressant de créer des sous-catégorisations, que l’on peut appeler sous-leviers. Ainsi, plutôt que de regarder le comportement et l’apport du SEA au global, on pourra regarder le SEA Générique à part, car très différent du SEA Marque. Même principe avec le Display Acquisition VS Display Retargeting ou encore l’Affiliation Cashback VS l’Affiliation Affinitaires.
Analyse de la répartition des ventes par nombre de touchpoints
La première étape d’une analyse de contribution des leviers de génération de trafic est d’observer la répartition de vos ventes en fonction du nombre de points de contact. En effet, si 90% de vos ventes sont réalisées en 1 touche, alors l’analyse a peu d’intérêt (sauf si les 10% représentent un volume suffisamment intéressant).
Dans cet exemple réalisé pour un client (dont les chiffres ont bien évidemment été modifiés par soucis de confidentialité), la répartition est assez logique. C’est une courbe qui décroit en corrélation avec le nombre de touches. La plupart des ventes sont réalisées en une seule touche (environ 40%), mais les 60% restants sont intéressants à analyser.
Vous pouvez également calculer la moyenne et la médiane du nombre de touches nécessaires pour une réaliser une conversion.
Délai avant achat
Connaître le délai entre la première touche marketing et l’achat final est une information précieuse pour vos campagnes, notamment en ce qui concerne le retargeting. A partir du moment où vous avez extrait l’ensemble de points de contact de l’ensemble de vos ventes, alors vous pouvez calculer cette information facilement.
Si vous vous apercevez que la durée médiane est de 2 mois, alors il peut être intéressant de démarrer vos campagnes bien plus en amont que ce que vous pensiez à l’approche des temps forts comme le Back2School, Noël, la Saint-Valentin, la Fête des Mères, le Black Friday, …
Analyse des leviers autonomes
Tout d’abord, qu’est-ce qu’un levier autonome ? C’est simplement un levier qui génère des conversions en étant seul dans le processus d’achat. Ce sont donc l’ensemble des leviers présents dans les ventes de la barre numéro 1 du graphique précédent.
Un levier autonome est important car on peut se dire que s’il est seul, alors le retirer supprime automatiquement les ventes qui lui sont associées en une seule touche. C’est en réalité un peu plus complexe car il y a des leviers tels que le SEO que l’on ne peut pas retirer, et d’autres tels le SEA Marque dont l’incrément reste à calculer. Il n’empêche que c’est un rapport qui apporte des insights non négligeables.
Dans cet exemple, le Top 5 est :
- Accès Direct
- SEO
- SEA Brand
- Email Prospects
- Email Newsletter
On remarque que les 3 premiers correspondent principalement à de la notoriété. C’est assez évident pour l’Accès Direct et le SEA Marque. Concernant le SEO, depuis que Google ne fournit plus les mots clés recherchés (merci le Not Provided…) on mélange à la fois le SEO Marque et le SEO Générique. Mais souvent sur les marques fortes, le SEO est fortement drivé par la marque. La Google Search Console peut vous aider pour mieux comprendre votre propre répartition.
Outre la marque, l’emailing semble être très bénéfique avec la Newsletter et l’achat de base emails prospects.
Comprendre le rôle des leviers
Le rôle des leviers correspond à leur position dans le parcours d’achat. Pour toutes les conversions qui comportent plus d’un point de contact, on regarde la dispersion de chacun. Ainsi, un levier qui initie le parcours d’achat est qualifié « d’Initiateur », un levier qui le finit de « Buteur » et le reste de « Passeur ». C’est un jargon assez sportif !
On a souvent des idées préconçues concernant les leviers d’acquisition et leur rôle. Par exemple, le SEA Marque est souvent vu comme buteur pour les déjà clients et comme initiateur pour les nouveaux clients. Concernant le retargeting, que ce soit Display ou Email, il est vu comme buteur, l’Email Prospection comme initiateur, etc… Mais est-ce réellement vrai ? L’analyse du rôle des leviers permet de s’en assurer, ou bien de voir différemment son mix marketing.
Ce tableau est un peu la photo idéale que tous les marketeurs voudraient voir. J’ai volontairement construit un scénario quasi parfait pour l’exemple mais en général c’est assez différent.
On remarque notamment souvent que le Retargeting est plus passeur que buteur ou que le Display Acquisition est en fait un buteur alors que ce n’est pas ce qu’on lui demande.
Voici quelques exemples de réflexions qui viennent suite à cette analyse :
Il faudra penser à contrôler ces Trading Desks qui font 5% de retargeting pour améliorer leurs performances globales ni vu ni connu…
Et si on arrêtait l’Affiliation Codes Promos qui n’apporte aucun incrément et qui profite seulement des prospects qui cherchent un coupon de réduction de façon opportuniste, et qui convertiront même sans ?
Qui a dit que l’Email Marketing était mort ? Réinvestissons d’avantage sur ce levier.
Analyse de la contribution au chiffre d’affaires
On connaît maintenant les leviers autonomes et le rôle de chaque levier. Reste à comprendre l’implication de chaque levier dans votre CA. Pour cela, on calcule le taux de présence de chaque levier que l’on rapporte au montant de chaque vente. Cela génère un chiffre d’affaires brut, non dédupliqué, que vous pouvez mettre au regard de la somme du CA brut de tous les leviers.
La vue est assez simpliste car un levier très présent dans les ventes sera forcément vu comme très contributeur, pourtant il n’y a pas toujours corrélation entre présence et efficacité. Les exemples sont variés : siteunders, Affiliations Codes Promos, fraude au cookie dropping, …
Vision avec la post-impression
Si votre outil Analytics vous permet de suivre les impressions, alors il est intéressant de faire cette analyse en deux versions. Une première avec toutes les touches marketing, et une seconde en filtrant les impressions pour avoir une vision plus à la Saint-Thomas (je ne crois que ce je vois).
Comment réaliser cette étude ?
Il existe des outils qui vous permettent de réaliser ce genre d’étude assez simplement. Je pense notamment à Mazeberry qui est un outil Français utilisé par beaucoup de traffic manager. C’est un outil de Data Visualisation qui va aspirer vos parcours d’achats online et faire tous ces rapports, et même plus.
Si vous n’avez pas les moyens de vous payer un outil tiers, alors il vous reste la possibilité de la faire à la main. Les exemples que j’ai fournis dans cet article sont issus d’un cas client réel (dont les chiffres ont été modifiés), réalisé à partir d’Eulerian Analytics. Eulerian est un outil Ad-Centric qui permet de suivre l’ensemble de vos touches marketing, impression comprise, et qui restitue l’ensemble de ces touchpoints via une fonctionnalité de Datamining. Il est également possible de les déverser dans des bases du type Amazon Kinesis ou Google Big Query pour que vos équipes de Data Scientists puissent les manipuler plus aisément. Après tout, on parle ici de données assez volumineuses selon la granularité que vous souhaitez, le volume de ventes que vous avez et la longueur de vos parcours d’achat.
Pour aller plus loin…
L’analyse de contribution est une première étape dans la compréhension du mix marketing. Mais elle a clairement ses limites comme je l’ai soulevé avec le cookie dropping par exemple. C’est là que l’Attribution Multi-Touch (MTA) devient intéressante. Là où les modèles d’attribution classique affectent la vente et son CA associé à un seul levier, le MTA découpe la vente en morceau pour l’attribuer à plusieurs leviers.
Le Multi-Touch Attribution simple
Il existe plusieurs types de MTA simples tels que:
- Le Time Decay : Répartit la vente en fonction de la date d’interaction. Plus un levier est proche de la date de conversion, plus il prend de crédit. Ou l’inverse selon la façon dont vous souhaitez valoriser votre business (courbe croissante ou décroissante).
- Le Even : Répartit les crédits de façon égale (courbe linéaire).
- Le U Shape : Répartit de manière égale les premières et dernières touches et de moins en moins les touches intermédiaires (courbe en U).
Ces modèles sont simples dans le sens où, bien qu’ils soient multi-touch, ils n’en restent pas moins à priori et donc basé sur un avis humain.
Le Multi-Touch avancé
La version avancée d’un MTA se construit via de la data science avancée, et répétée à fréquence soutenue. C’est-à-dire que l’on va périodiquement analyser les parcours d’achats et calculer la contribution à un instant selon un modèle interne. Cela aboutit ensuite à une formule particulière que l’on peut appliquer dans son attribution. C’est une courbe différente qui peu par exemple attribuer 50% de la vente à la première touche, 10% à la seconde et 40 à la dernière.
Voici une présentation de ce genre de modèles réalisée par Eulerian Technologies :
Le Multi-Touch algorithmique
Alors là, on commence vraiment à rentrer dans les sujets pointus. Pour être honnête, j’ai moi-même mes propres limites sur le sujet, je vais donc seulement décrire le principe et vous mettre quelques liens utiles qui iront techniquement plus en profondeur.
Quand on parle d’attribution algorithmique, on parle en réalité de Machine Learning et de théories probabilistes (théorie des jeux de Shapley, chaînes de Markov, régressions linéaires, …). Oulala, avalanche de buzz words !! J’ai déjà mal à la tête, j’avais dit que c’était compliqué, non ?
Première grosse différence avec les autres modèles, c’est que celui-ci ne se base pas que sur les conversions. En effet, il analyse également les parcours de non conversions. Pour faire simple, Si j’ai 100 visiteurs qui viennent avec le parcours suivant « Clic SEA > Clic SEO » mais qui n’achètent jamais et que j’ai 3 acheteurs qui ont fait « Clic SEA > Impression Display Acquisition > Clic SEO ». Alors on peut se dire que l’intercalage du Display Acquisition semble être bénéfique.
Parmi les outils qui permettent l’utilisation de ce genre de modèle, il y a notamment Google Analytics avec son modèle d’attribution Data Driven (DDA pour Data Driven Attribution) qui diffère en fonction de chaque compte. Pour en savoir plus, je vous invite à consulter leur page d’aide sur le sujet.
Vous l’avez compris, analyser et comprendre son mix marketing n’est pas chose aisée. Il faut pour cela avoir un tracking propre, être capable de creuser dans de grosses quantités de données, ne pas être fâché avec les Maths et maîtriser certains outils. Ce n’est pas à la portée de tout le monde, mais c’est une étude qui vaut le coup au regard des investissements médias qui sont souvent colossaux.
Quelques liens utiles :
- Attribution Fraud vs Multi-Touch Attribution par Victor Roux d’Eulerian
- Data-Driven Attribution par les équipes Google
- The Science Behind Data-Driven Attribution par Steven Sonnes
- Shapley Value regression (Game Theory) as an Attribution solution par Jonathan Walton